La COP de cette année se tient dans un contexte international difficile. Pourtant, le 6e rapport d’évaluation du GIEC l’a encore rappelé il y a quelques mois : les engagements pris à ce jour par les Etats restent insuffisants pour éviter une aggravation substantielle des changements climatiques, pour s’adapter au mieux, et pour fournir les différents financements et autres outils de mise en œuvre indispensables.
Pour exposer les enjeux de cette COP, nous avons donné la parole à Peter Wittoeck (responsable du Service changements climatiques, SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement, et responsable de délégation à la COP) et Geert Fremout (expert dans ce même service et négociateur pour l’UE dans deux domaines liés aux engagements de réductions d’émissions).
PwG : Quels sont les principaux enjeux de la COP27 et les points pour lesquels il semble indispensable d’aboutir cette année ?
Peter Wittoeck (PW) : Les principaux sujets sont toujours les mêmes, globalement ce sont les grands piliers du régime climatique international : atténuation, adaptation et financement [1]. On peut dire qu’il y en a un quatrième, à savoir « les pertes et préjudices [2] », devenus partie intégrante du régime dans l’Accord de Paris [3].
À la COP27, les discussions vont aborder tous ces piliers dans leurs différentes dimensions. Néanmoins, on peut s’attendre à ce que certains sujets, ou que certains piliers, soient plus priorisés que d’autres. En effet, la COP de cette année a lieu en Égypte [4]. On est sur le continent africain et l’on s’attend donc à ce que la présidence égyptienne mette en avant des sujets prioritaires pour les pays en développement, en particulier pour les pays africains, comme l’adaptation, le financement et les « pertes et préjudices ».
En ce qui concerne l’atténuation, l’une des décisions qui doivent être prises par la COP27, à la suite d’une décision de la COP26 à Glasgow [5], est de lancer un nouveau programme de travail pour augmenter les niveaux d’ambition en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (atténuation). Ce nouveau programme a pour objectif d’atteindre la « neutralité climatique », autrement dit parvenir à « zéro émissions nettes [6] » au milieu du siècle. La décision de Glasgow a créé un cadre pour un cycle annuel d’évaluation et de révision des objectifs fixés par ce que l’on appelle les « contributions déterminées au niveau national » [7] des Parties. Cette décision est vraiment importante pour le pilier « atténuation ». Il s’agit d’une grande priorité pour des pays et des continents ambitieux, comme l’Union européenne avec son paquet législatif « Fit for 55 % ». Celui-ci rendra opérationnel l’objectif européen de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55% à l‘horizon 2030, tel que fixé dans la loi européenne sur le climat [8].
Pour revenir aux sujets qui seront mis en avant lors de la COP27, comme le sujet des « pertes et préjudices », on s’attend à qu’ils donnent lieu à des négociations difficiles. En effet, jusqu’à présent les discussions n’ont pas abouti à la création d’un mécanisme ou d’une entité pour le financement des dommages subis par les pays en développement à la suite notamment de catastrophes liées à des événements extrêmes (inondations, sécheresses, tempêtes, …).
Ces dommages génèrent d’énormes coûts, et donc les pays en développement (le G77 [9]) avaient proposé à la COP26 d’établir un mécanisme de financement d’une envergure comparable à celle des Fonds existants — tels que le Green Climate Fund et la Global Environment Facility. Cette proposition avait été faite à un stade très avancé de la négociation, beaucoup trop tard pour que les pays riches, qui devraient entre autres financer un tel mécanisme, puissent l’accepter. Il y a aussi des raisons plus fondamentales pour lesquelles les pays industrialisés ont du mal à accepter la création d’un nouveau canal de financement de ce type.
Faute d’une décision, un processus, qui doit aboutir dans quelques années, a été mis sur pied pour décider comment aider ces pays à gérer les « pertes et préjudices », comment financer, compenser [10] les dommages. Même si on n’a rien décidé à Glasgow, la demande des pays en développement reviendra à la COP27 et il faudra que quelque chose de significatif soit décidé pour que la COP27 soit un succès.
PwG : Où en est-on dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris, et en particulier, dans le « Bilan Mondial » [11], qui doit conduire à renforcer l’action ?
PW : Le « Bilan Mondial » (en anglais « Global Stocktake ») fait partie de l’Accord de Paris. On peut presque dire qu’il en constitue le cœur. Il s’agit d’un cycle quinquennal au cours duquel on évalue de façon très formelle, dans le système onusien, l’impact des politiques mises en place pour gérer la crise climatique (atténuation, adaptation et financement). Ce processus a déjà fait un premier tour avec la conclusion, en 2018, de ce qu’on appelait à ce moment-là le « Dialogue de facilitation [12] » ou « Talanoa Dialogue », sous impulsion de la présidence Fidjienne de la COP. La suite de cette évaluation conjointe a consisté en un appel aux Parties à l’Accord de Paris à re-soumettre des contributions déterminées au niveau national (CDN) avant 2020, afin de rehausser les ambitions. Nous avons maintenant commencé le 2e tour de ce mécanisme, c’est-à-dire d’un 2e cycle d’évaluation/révision des ambitions. Le processus n’en est qu’à ses débuts et les discussions se déroulent dans une atmosphère très constructive.
Le dernier rapport d’évaluation du GIEC (AR6 [13]) est un élément très important dans ce contexte. Je ne sais pas jusqu’à quel point les discussions qui ont déjà eu lieu à Bonn en juin ont pris les conclusions du GIEC en compte, mais indépendamment des messages spécifiques que le GIEC répète et renforce depuis des décennies, on a toujours vu au moins une corrélation entre ses rapports d’évaluation et les décisions importantes prises dans le cadre du régime des Nations Unies sur les changements climatiques (Convention cadre, Protocole de Kyoto, Accord de Paris etc.).
On peut donc dire que les rapports du GIEC contribuent à une dynamique positive qui va vers ce rehaussement des ambitions, dont la science nous dit depuis très longtemps qu’il est nécessaire. Néanmoins, cela ne se fait pas toujours avec succès, comme on l’a constaté en 2018 lors de la COP24 à Katowice. À l’époque, en effet, pour des raisons politiques, la présidence polonaise a affirmé sa volonté de ne pas parler du rehaussement du niveau d’ambition. Elle a été appuyée en cela par l’administration Trump aux États-Unis, par celle de la Fédération de Russie et par quelques pays du Golfe, producteurs de gaz et de pétrole. Il n’y a donc pas eu, à Katowice, de consensus politique au niveau global pour valoriser et utiliser explicitement les rapports du GIEC.
Depuis lors, les choses ont changé. Il est dommage que le Rapport de synthèse du GIEC (SYR [14]) ne soit publié qu’après la COP. Certaines Parties pourraient utiliser ce retard pour affaiblir le processus et nier les messages envoyés par la science du climat. Mais j’espère cependant que les rôles du GIEC et de la science seront explicitement reconnus lors de cette COP et que le rapport du GIEC pourra donner une impulsion, comme il l’a déjà fait à maintes reprises dans le passé. Le fait que la présidence égyptienne parle d’un sommet « science-based » semble aller dans ce sens.
PwG : Heureusement, les contributions des trois groupes de travail du GIEC ont été finalisées. Le Rapport de synthèse ne fait qu’intégrer les éléments clés.
En étant optimiste, on pourrait dire que la publication du SYR fournira une opportunité pour rappeler les éléments scientifiques, l’année prochaine ?
PW : Oui, bien sûr, d’ailleurs la position européenne en préparation fait bien référence au 6e rapport d’évaluation du GIEC (AR6). Je voulais juste évoquer le risque éventuel que certains pays utilisent le retard du SYR pour affaiblir les négociations à Sharm-el-Sheikh en novembre.
PwG : Comment le 6e rapport du GIEC est-il pris en compte dans le cadre des négociations ?
Geert Fremout [15] : Les rapports du GIEC constituent une contribution scientifique essentielle au processus de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. On en retient notamment l’évaluation des changements de fréquence et d’intensité des événements extrêmes projetés pour différents niveaux d’augmentation de température, y compris à 1,5 °C et 2 °C (évalués par le groupe de travail I), et les scénarios d’émissions qui limitent l’augmentation de la température à des niveaux spécifiques. Ces informations sont de la plus haute importance pour les discussions dans le cadre du « dialogue structuré entre experts » qui fait partie du « deuxième examen périodique de l’objectif global à long terme au titre de la Convention et des progrès d’ensemble accomplis en vue de sa réalisation » [16].
Un autre exemple est la conclusion du rapport du groupe de travail III selon laquelle il existe des options d’atténuation dans tous les secteurs, avec un total qui permettrait de réduire les émissions mondiales de moitié d’ici 2030. Ces conclusions alimenteront le « programme de travail visant à relever d’urgence le niveau d’ambition en matière d’atténuation et à accélérer l’application des mesures correspondantes » établi l’an dernier à Glasgow dans une décision qui précise que c’est « urgent en cette décennie cruciale » [17]. L’objectif est d’aboutir cette année à une décision qui rende ce programme opérationnel.
PwG : Pour en revenir au « Bilan Mondial », 2023 semblait être une date importante. Apparemment, ce n’est plus tellement le cas, puisqu’on parle aussi de 2025. Quelles sont les échéances ?
PW : À ce stade, il faut préciser qu’il y a deux processus en cours. D’une part, il y a le cycle quinquennal, ou « Global Stocktake », qui se termine bien en 2023. Ce processus et fixé par l’Accord de Paris, et impose de re-soumettre des CDN en 2025, pour renforcer notre niveau d’ambition. D’autre part, la COP26 à Glasgow a décidé d’ajouter un cycle annuel, qui ne remplace pas le cycle quinquennal décidé par l’Accord de Paris mais s’y ajoute.
Les deux processus doivent se compléter. Cela devient un peu complexe, mais c’est néanmoins une très bonne chose de ne pas devoir attendre cinq ans pour réajuster les niveaux d’ambition. En effet, comme le texte de Glasgow le dit, on est dans la « décennie cruciale » [18]. Si on devait constater en 2025 que les efforts des Parties, via leurs CDN, ne sont pas assez ambitieux, l’échéance quinquennale suivante tomberait en 2030, au-delà de la « décennie cruciale ». D’où l’importance du cycle annuel créé par Glasgow.
PwG : Donc grâce au cycle annuel, il ne faut pas attendre la prochaine étape du Bilan Mondial, en 2025, pour qu’il y ait de nouveaux engagements ?
PW : Il faut noter une différence supplémentaire entre les deux processus. Le « Bilan Mondial » ne parle pas seulement d’atténuation, et en particulier du renforcement des CDN, mais aussi de l’adaptation, du financement, voire même explicitement des « pertes et préjudices ». Il s’agit donc d’une discussion très large, où l’analyse des CDN est un élément parmi d’autres.
Le nouveau processus annuel, en revanche, porte explicitement sur les CDN, et est donc davantage focalisé sur la réduction des émissions. Il est cependant vrai que les CDN comportent aussi des éléments d’adaptation, et que certains engagements, notamment par des pays en développement, sont souvent conditionnés par un appui financier.
PwG : Pouvez-vous commenter la manière dont le contexte politique actuel, et en particulier la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, influence les négociations ?
PW : Au niveau européen, on a vu assez tôt, par exemple dans la Déclaration de Versailles [19] du Conseil européen, que les chefs d’État et de gouvernements, dans leurs décisions concernant la crise énergétique, maintiennent le niveau d’ambition en matière de politique climatique. Il est intellectuellement évident que les réponses à cette crise énergétique et à la hausse des prix de l’énergie doivent être à 100 % cohérentes avec les décisions prises et à prendre pour répondre à la crise climatique. Cependant, politiquement, ce n’est pas toujours évident. Il est donc important de bien souligner que l’Union européenne a fait cette analyse et prend des décisions en fonction de celle-ci.
Ce n’est pas nécessairement le cas pour tout le monde. Globalement, je pense que certains pays investissent plus dans le charbon en réponse à la hausse du prix de gaz et d’électricité. Le fonctionnement du marché fait que c’est aussi le cas au niveau européen. Sans oublier le risque découlant des changements dans l’importation du gaz : j’espère qu’ils ne vont pas provoquer un « verrouillage » [20] dans l’utilisation de gaz suite à la mise en place de nouvelles infrastructures dans ce cadre. Ce n’est pas mon domaine de spécialité, c’est pourquoi je me contente d’espérer que la situation n’évolue pas dans ce sens. Ce qu’il faut retenir, c’est que le niveau d’ambition climatique reste intact au niveau européen.
On observe la même volonté dans les déclarations des nations du G7, qui se sont réunies sous la présidence allemande en juin [21] et qui ont évidemment discuté de la crise énergétique, dans le contexte de la guerre. Ces nations ont réaffirmé leur engagement à décarboner l’économie, pour aller vers une société « zéro émissions nettes ».
En revanche, le G20, qui compte aussi les plus grandes économies du monde en développement, n’a pas pu s’accorder sur une déclaration commune semblable à celle du G7, lors de la réunion du groupe finances de juillet 2022, sous la présidence indonésienne [22].
Pire encore, lors de la réunion des ministres de l’Environnement et de l’Energie qui s’est tenue à Bali à la fin du mois d’août (2022), certains membres du G20 ont par exemple remis en question l’objectif de limiter l’augmentation de la température à 1,5 °C, ce qui a été une grande surprise et même un choc pour certain·e·s collègues européens présents [23].
Cela pourrait faire craindre que certaines économies émergentes mettent en cause le respect de ce qui a été convenu à Glasgow, à cause de la guerre en Ukraine, de la crise énergétique et de la crise alimentaire qui en découlent.
On pourra encore voir évoluer la situation lors des importantes réunions à haut niveau qui auront lieu avant la COP27, comme la pré-COP à Kinshasa, l’assemblée générale des Nations Unies et le Sommet organisé par le secrétaire général des Nations Unies. On peut néanmoins espérer que le déni de l’objectif de 1,5 °C ne soit qu’un épisode, que cela ne se répètera pas, et qu’aucun pays n’oubliera ce qui a été décidé à Glasgow.
PwG : Cela veut-il dire que les catastrophes climatiques ont finalement peu d’effet sur les négociations ?
Lors du G77, les pays touchés par ces catastrophes auront vraisemblablement des revendications fortes, justifiées notamment par les inondations telles que celles qui ont touché le Pakistan [24].
PW : Indépendamment du fait que le Pakistan préside le G77, les dernières catastrophes climatiques vont clairement renforcer la pression sur les négociations, notamment en ce qui concerne les « pertes et préjudices », l’adaptation et le financement. Ces derniers temps, il ne s’est pas passé une année sans qu’éclate une catastrophe plus au moins importante (par rapport à celle qui s’est produite au Pakistan récemment). De ce fait, les revendications que je viens d’évoquer sont constamment présentes dans la rhétorique du débat, afin de l’influencer. Cela ne va pas diminuer, au contraire, et la catastrophe au Pakistan va certainement pousser les pays en développement à poursuivre leur agenda par rapport aux « pertes et préjudices ». Ce point va être explicitement ajouté à l’ordre du jour de la COP27, ce qui n’était pas prévu initialement.
PwG : Comment certains pays émergents peuvent-ils d’un côté mettre en question l’objectif de limiter à 1,5 °C, comme vous venez de nous l’expliquer et, de l’autre côté, dire qu’il faut les aider à gérer les « pertes et préjudices » actuels ?
Cela donne l’impression « déconnexion » entre les catastrophes pour lesquelles ils ont besoin d’aide, d’une part, et l’atténuation, d’autre part.
PW : Je ne suis pas dans la tête des décideurs et négociateurs des économies émergentes, mais on sait très bien ce qu’il en est de la réalité politique, et ce n’est pas une excuse du tout. Il y a ce genre de « déconnexion » en effet : on tient compte de certains intérêts d’un côté, et d’autres intérêts de l’autre côté. Depuis des décennies, ces pays argumentent souvent que, si leurs émissions sont en croissance, c’est parce que leurs citoyen·ne·s ont droit au développement social et économique.
Il y a sans doute des forces opposées au sein de ces pays comme c’est encore le cas au sein de l’Union européenne. En effet, si l’on suit chaque débat politique, il y a toujours des tensions entre différents intérêts. Il est donc, sans doute, un peu trop simple de parler de « déconnexion », car, même si le constat de la déconnexion semble exact, la politique n’est pas cartésienne et cela vaut aussi au niveau international. Malheureusement, cela n’aide pas à faire avancer les négociations.
Il y a bien sûr des contradictions, du flou, mais si l’on veut effectivement limiter et pallier les dommages causés par cette crise climatique nous ne devons pas seulement nous retourner vers les émetteurs historiques pour trouver et financer les solutions. Les pays qui ont connu une forte croissance depuis l’adoption de la Convention, et sont maintenant fortement émetteurs, doivent aussi s’impliquer.
Mais pour parler clairement, je ne crois pas que la Chine joue ce jeu de la déconnexion. La Chine fournit des efforts et c’est pourquoi j’espère que la remise en question de l’objectif de 1,5 °C, dont nous avons parlé, n’est qu’un épisode, une tactique utilisée dans la sphère géopolitique… C’est un raisonnement plutôt spéculatif, il faudra voir comment les choses se dérouleront lors des prochaines rencontres.
PwG : Où en est le financement climatique international ?
Est-il en voie de devenir suffisant ?
PW : On avait convenu en 2009 à Copenhague (COP15) que les pays bailleurs (les pays les plus riches) auraient mobilisé, à l’horizon 2020, 100 milliards de dollars américains par an par différents moyens [25].
Déjà avant la COP26, on a constaté sur la base des chiffres de 2018 et des estimations pour 2019, qu’on était encore très loin de cet objectif [26]. C’est confirmé par les données plus récentes : on est à peu près à 83 milliards de dollars [27] ce qui n’est pas suffisant. Les pays bailleurs se sont donc réunis et ont compilé toutes les intentions de financement (« delivery plan [28] ») pour les années d’ici à 2025. Sur la base de ces intentions, l’objectif de 100 milliards par an pourrait être atteint vers 2023. Cet objectif était fixé pour 2020, mais rien n’avait encore été décidé pour la suite. À Glasgow on a donc décidé de démarrer une discussion qui devrait aboutir en 2024 sur un nouvel objectif à partir de 2025. Entre temps, l’objectif de 100 milliards reste d’application.
Il est donc toujours d’actualité de mobiliser 100 milliards provenant de diverses sources, publiques et privées. Il y a un grand effort à faire, car si l’on regarde les chiffres, la part du secteur privé reste minoritaire, même s’il y a beaucoup plus d’argent qui circule par rapport au secteur public. Il s’agit donc d’un nouveau challenge pour la finance climatique : rendre tous les flux financiers, y compris les investissements du secteur privé, cohérents avec les objectifs de l’Accord de Paris. On a encore jusqu’en 2024 pour prendre une décision à propos des objectifs applicables à partir de 2025, mais le sujet sera sans doute discuté à la COP27.
PwG : On parle bien des flux financiers en plus des 100 milliards ?
PW : Justement, il y a des interprétations différentes : faut-il appliquer la définition du financement climatique donnée à Copenhague et qui s’appliquait aux 100 milliards, ou élargir ce concept pour qu’il soit plus cohérent avec la notion de l’Article 2 (1.c) de l’Accord de Paris [29] et aussi avec la réalité des investissements faits dans les pays en développement ? En effet, les bailleurs traditionnels ne sont pas les seuls à investir et à donner un soutien aux pays africains, par exemple : il y en a bien d’autres. Il y a notamment d’énormes flux financiers, d’énormes investissements faits par les pays émergents. On doit aussi en tenir compte.
Les notes ci-dessous ont été principalement rédigées par la Plateforme, elles n’engagent en rien les personnes interviewées. L’interview a été réalisée par Philippe Marbaix, Bruna Gaino, Alain Tondeur et Jean-Pascal van Ypersele.
[1] Voir par exemple : bit.ly/UNFCCC_guide
[2] Dans le contexte de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, l’expression « pertes et préjudices » se rapporte aux impacts négatifs des changements climatiques. Pour plus d’informations sur le thème des « pertes et préjudices » voir notre Lettre n° 7.
[3] Voir l’article 8 de l’Accord de Paris : bit.ly/AP_NCDS. La COP 19, en 2013, avait cependant déjà établi le « Mécanisme international de Varsovie relatif aux pertes et préjudices ».
[4] COP27, Sharm El-Sheikh, 2022 : cop27.eg/#/
[5] La COP26 (Glasgow, 2021), a pris la décision d’établir ce nouveau programme sur le relèvement des niveaux d’ambition. Elle demande aux organes subsidiaires de la Convention (consacrés à la mise en œuvre et au conseil scientifique et technique) de préparer une décision de mise en œuvre qui doit être prise en considération à la COP27 : ukcop26.org. Pour plus d’information, voir la note 17 et la réponse associée.
[6] Les rapports du GIEC ont établi que pour stabiliser les températures, il faut approximativement réduire les émissions anthropiques nettes de CO2 à zéro (le niveau de température atteint dépend aussi des autres gaz, mais il n’y a pas de nécessité d’amener les émissions de gaz à courte durée de vie à zéro). Pour plus d’information, voir notre Lettre no23, question 9, et le 6e Rapport d’évaluation du GIEC, Résumé pour les décideurs de la contribution du GT III, section C.2.
[7] Contributions déterminées au niveau national, en anglais « Nationally Determined Contributions » (NDCs) : bit.ly/UNFCCC_NCDs
[8] Le paquet “Ajustement à l’objectif 55” (en anglais “Fit for 55”) est présenté sur tinyurl.com/fit455-fr. Accès au texte officiel de la « loi européenne sur le climat », approuvée le 30 juin 2021 : tinyurl.com/loiclimeu. Pour plus d’information, voir l’article de Brigitte Gloire dans notre Lettre no 20 :Loi climat européenne : où en est-on ?
[9] Le G77 est une coalition de pays en développement dans le cadre des négociations aux Nations Unies. Elle comporte actuellement 134 membres et la présidence tournante est assurée par le Pakistan (voir par exemple www.g77.org/doc/ ).
[10] « Compensation » est un « mot qui fait peur » dans le contexte des négociations. Les pays « développés » craignent qu’il en résulte une responsabilité légale. Le principe serait que les pays qui ont peu contribué aux émissions passées, tout en subissant les impacts qui en résultent, puissent utiliser ce cadre légal pour exiger une compensation à verser par les pays développés. Voir par exemple « Climate change compensation fight brews ahead of COP27 summit » (Euractiv, août 2022, tinyurl.com/cop27-compens) et Fearing Liability, U.S. Resists U.N. Fund for Climate Damages (Scientific American, Novembre 2021, tinyurl.com/cop27-SA).
[11] En anglais “Global Stocktake”: bit.ly/UNFCC_GS
[12] En anglais « facilitative dialogue ». Ce dialogue avait été prévu par la décision 1/CP.21, qui encadre l’Accord de Paris, en 2015 (tinyurl.com/1-CP21, titre II paragraphe 20). Il constituait un premier bilan des engagements, du même type que l’actuel « Bilan Mondial ».
[13] AR6 : ipcc.ch/assessment-report/ar6
[14] SYR : acronyme anglais pour« SYnthesis Report ».
[15] Geert Fremout est négociateur pour l’UE dans le cadre du “second examen périodique” ainsi que pour le Programme de travail sur l’atténuation (voir notes suivantes).
[16] « L’objectif global à long terme » est actuellement fixé par l’Accord de Paris : « Maintenir l'augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et poursuivre les efforts pour limiter l'augmentation de la température à 1,5 °C (…) ». Cet objectif a été décidé à l’issue du premier « examen périodique ». Le second examen périodique a été réalisé au cours de la période 2020-2022. A l’intérieur de ce processus, le dialogue structuré entre experts a un rôle informatif pour les Parties à la Convention. Ce dialogue fait l’objet d’un rapport traduit en français :bit.ly/SB_2022_03 (document FCCC/SB/2022/3). Le 6e rapport d’évaluation du GIEC est l’une des principales sources d’information citées.
[17] Pacte de Glasgow pour le climat, titre IV, paragraphe 27 (Décision 1/CMA.3, https://tinyurl.com/1-CMA3).
[18] Le Pacte de Glasgow pour le climat cite à plusieurs reprises la « décennie critique » (« critical decade », traduite en « décennie cruciale » dans le texte officiel en français), notamment dans le cadre de la décision qui établit le programme de travail pour le relèvement de l’ambition mentionné par Geert Fremout à la page précédente (voir note 17).
[19] Déclaration de Versailles : Cette déclaration résulte de la réunion informelle des chefs d'État ou de gouvernement qui s’est tenue les 10 et 11 mars 2022. Elle demande notamment à la Commission Européenne de proposer un plan qui vise à se défaire progressivement des importation de gaz, pétrole et charbon russes, notamment en accélérant le développement d’énergies renouvelables : https://bit.ly/Versailles_decl et le plan REPowerEU : https://tinyurl.com/REPow-FR
[20] En anglais « lock-in », c’est à dire le fait que les grandes infrastructures ne peuvent être rentabilisées que si elles sont utilisées au cours de longues périodes, d’où un frein au changement technologique futur.
[21] Sommet du G7, Schloss Elmau, 26-28 juin 2022 : https://bit.ly/sommetSE
[22] Troisième réunion des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales du G20, Bali, 15 et 16 juillet 2022. Le G20 comporte 19 pays (aussi diversifiés que les Etats-Unis, la France, la Russie et l’Arabie Saoudite) et l’UE. Pour plus d’informations : https://tinyurl.com/G20-Finance-22
[23] Selon un article publié par Climate Home News (2 septembre 2022, https://tinyurl.com/CCNews-G20), la Chine et l’Inde ont poussé à ce que l’accent soit mis sur 2°C (plutôt que 1,5°C), ce que les représentants chinois auraient qualifié de plus « scientifiquement réalisable ». La synthèse de la réunion mentionne cependant l’objectif de poursuivre les efforts pour limiter le réchauffement à 1,5°C (voir https://tinyurl.com/G20-CE2022).
[24] Au sujet des inondations, voir par exemple cet article publié par Le Monde (8/9/2022) : https://tinyurl.com/PakInond. Pour une analyse scientifique, voir https://tinyurl.com/Pak-WWA
[25] L’Accord de Copenhague figure dans le rapport de la COP15 : unfccc.int/resource/docs/2009/cop15/fre/11a01f.pdf. L’objectif de 100 milliards est indiqué au paragraphe 8 de cet accord (suite au difficultés rencontrées cette année-là, la COP avait seulement « pris note » de l’Accord; ces éléments ont été fornalisés à la COP16, dans les Accords de Cancun).
[26] Le Pacte de Glasgow “constate avec un profond regret” que l’objectif de mobiliser 100 milliards de dollars par an n’est pas atteint, et “se félicite de l’augmentation des contributions annoncée par de nombreux pays développés (…)” (Décision 1/CMA.3, paragraphe 44,tinyurl.com/1-CMA3).
[27] Estimation de l’OCDE pour l’année 2020 (publiée en 2022) : https://tinyurl.com/OCDE-climfin. Le GIEC analyse également le financement international pour l’adaptation : voir AR6, GT II, chapitre 17, encadré “Finance for Adaptation and Resilience” (cross-chapter box “FINANCE”, non traduite, https://tinyurl.com/ar6-gt2-c17 ). Voir aussi l’article de Lucas Demuelenaere consacré au financement, en page 5 de la Lettre no 12.
[28] Climate finance delivery plan: meeting the US$100 billion goal: bit.ly/ClimateFinancePlan
[29] Accord de Paris, article 2, §1.c : « Rendant les flux financiers compatibles avec un profil d'évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques » : unfccc.int/sites/default/files/french_paris_agreement.pdf